De la peur à la crainte
Cette première partie de l'Evangile de Marc tente de répondre à la question : « Qui est Jésus ? » Le fait que Jésus rabroue le vent et la mer relance la question sur sa véritable identité : qui est-il pour que même le vent et la mer lui obéissent ? Avec cette expérience vécue par les disciples dans la barque, il y a pour nous un appel à la foi et à la confiance dont il a été déjà question le week-end dernier. Cette nuit, les disciples vont la passer sur la mer. Il s'agit d'une traversée qui va conduire les disciples sur l'autre rive, vers l'inconnu ou le non-familier. L'invitation de Jésus à passer rapidement sur l'autre rive évoque l'urgence d'aller porter la Parole au-delà de la mer. Jésus n'a pas le temps de se reposer, il est amené dans le bateau comme il était. Trois expressions soulignent la force de la tempête cette nuit-là : une forte bourrasque, les vagues qui se jettent et le bateau qui se remplit. Mis en danger avec ce qui leur arrive, les disciples sont terrorisés et ne comprennent pas que Jésus continue de dormir. Un contraste est mis en évidence entre la terreur des disciples, le sommeil de Jésus, le fracas de la tempête et le calme de celui qui dort. Pendant que les disciples sont agités et terrorisés Jésus demeure dans la confiance. Il met en application ce qu'il a enseigné dans la parabole de la semence qui pousse toute seule. Ayant semé, Jésus peut se reposer même au milieu de la tempête. Comme ils ne comprennent pas ce sommeil de Jésus, les disciples réveillent le Maître et l'interpellent. Pourquoi Jésus dort-il pendant que l'embarcation est menacée ? D'où une pointe de reproche dans cette phrase : « Nous sommes perdus et tu ne t'en soucies pas ? » Avant de reprocher aux disciples le fait d'être peureux, Jésus rabroue le vent et ordonne à la mer de se taire. Immédiatement le vent tomba et un grand calme se fit. Ce « calme après la tempête est d'autant plus impressionnant qu'il contraste avec le fracas qui le précédait ». Les disciples ont eu peur, n'avaient-ils pas encore la foi ? Jésus montre que « la peur est le contraire de la foi parce qu'elle est un manque de confiance et qu'elle paralyse… Le commandement : « n'ayez pas peur ! » est celui qui est le plus souvent répété dans le Nouveau Testament. » Jésus l'a bien montré, il n'a pas eu peur de toucher le lépreux, de se mettre à table avec un collecteur d'impôts et des pécheurs, de guérir le jour du sabbat, de se laisser toucher par une femme atteinte d'une perte de sang, de se laisser sécher les pieds par une femme à la conduite dite douteuse… Puisque lui n'a pas peur, « Il nous invite à entrer dans la confiance qui était la sienne. Ne vous inquiétez donc pas, en disant : ‘qu'allons-nous boire ?' Ou bien : ‘de quoi allons-nous nous vêtir' – tout cela, c'est ce que les gens de toutes les nations recherchent sans relâche -, car votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d'abord le règne de Dieu et sa justice… » Jésus comprend que les disciples aient été effrayés, mais après avoir calmé le vent et la mer, il leur demande de ne pas avoir peur. Immédiatement, comme Jésus vient de manifester qu'il dispose de la puissance divine par la domination des éléments déchaînés, les disciples sont saisis d'une grande crainte. Une « crainte qui n'est plus celle de la tempête, mais la crainte de Dieu dont le Psaume déclare qu'elle est le commencement de la sagesse… Cette crainte qui suit une manifestation de Dieu se retrouve régulièrement dans le Nouveau Testament… Cette crainte vient de la manifestation que Dieu n'est pas une idée, mais qu'il est le créateur du ciel et de la terre, venu rencontrer notre humanité. Elle n'est pas de la peur dans la mesure où je ne dois pas avoir peur de Dieu, elle est signe de respect. » Réjouissons-nous, la crainte de Dieu se donne à nous comme antidote à la peur des humains. Retenons donc que l'Evangile est un vrai chemin de bonheur que Jésus nous propose gratuitement. C'est une bonne nouvelle pour nous et nous avons à en témoigner partout, même sur l'autre rive, avec joie et confiance. Dans tout ce que nous entreprendrons, « n'oublions jamais que Jésus est là avec nous dans cette barque secouée de toute part et pas question de faire demi-tour ». Pour être croyant, il faut toujours se poser la question : « qui est Jésus ? » Il suffit pour cela de passer de la peur à la crainte de Dieu, à la foi et de prendre notre part du salut, de cette lutte contre la souffrance pour qu'advienne le monde nouveau.
Fulbert Mujike